Les eaux grises sont les eaux drainées des lavabos, douches et machines à laver. Plus généralement, on peut y inclure aussi les eaux de cuisine, contenant des matières grasses et des déchets organiques. Dans beaucoup de townships d'Afrique du Sud et d'ailleurs, les eaux grises sont déversées directement dans la rue, causant pollution et encrassement des bords de routes. Les déchets organiques et graisses en décomposition peuvent être à l'origine de maladies pour les populations locales, et de la même façon, les produits chimiques se déversant dans les cours d'eau avoisinants sont source de fortes pollutions. Les écosystèmes humains, végétaux et animaliers en sont fortement impactés dans ces régions où le tout à l'égout n'est pas disponible, et où des infrastructures lourdes de traitement des eaux usées sont difficiles à mettre en place.
BiomimicrySA, antenne régionale du Biomimicry Institute, œuvrant dans la région du Western Cape en Afrique du Sud, promeut l'étude et l'imitation des designs de Mère Nature pour développer des technologies renouvelables. Un de leur programme, Genius of Space, étudie le traitement des eaux grises dans le township de Langrug grâce à la filtration par les plantes. Un ingénieux système a été mis en place dans une partie du quartier et est actuellement à l'étude.
Cette étude a plusieurs facettes :
Une facette technique, bien entendue : comment filtrer efficacement les eaux grises ? Comment enlever graisses, matières organiques, produits chimiques... grâce à l'action de plusieurs filtres et de plantes ?
Une facette sociale très importante : ils ont développé le principe du Meza 2 Meza (Voisin à Voisin en Xhosa). Le système installé n'est efficace qu'à condition que les gens l'utilisent. Le principe du Meza 2 Meza repose sur le fait que les habitants du quartier vont se sensibiliser entre eux à l'utilisation du système afin de modifier les habitudes petit à petit, par un mouvement interne.
Une facette environnementale : les eaux après épuration sont-elles rejetables dans les rivières avoisinantes ? Quel est l'impact sur l'environnement proche, sur les cultures voisines, sur la faune et la flore ?
Une facette économique : peut-on construire un modèle économique viable pour la population locale autour de ce système ?
Lancé en 2012, le projet en est maintenant à sa phase de test sur le terrain. Une centaine de points de collecte des eaux grises a été installée, et combinés avec les points de filtration par les plantes, ils constituent un réseau d'égout couvrant les rejets de quelques centaines d'habitations.
Matériaux
Pour la collecte des eaux et la filtration des grosses particules, graisses et matières organiques :
Un fût en plastique de 200 L avec son couvercle
Du grillage soudé de jardin (en rouleau)
De la mousse (polyuréthane ou polyéther, par exemple issue d'un vieux matelas)
Du tissu grossier (type brise-vue de jardin)
Un tube PVC gros diamètre (supérieur à 125 mm)
Un tube PVC diamètre 100 mm
Des serre-câbles plastique
Du grillage rigide à petite maille
Pour la phytoépuration :
Des plantes : Genius of Space fait des essais avec du chanvre et des arbustes classiques
Un bac ou un pot de culture
Optionnel : si le bac de culture n'est pas étanche, on peut utiliser de la bâche pour éviter que l'eau ne s'écoule directement dans le sol.
Outils
Perceuse
Mèches et scies cloches
Pince coupante ou tenaille
Scie sauteuse
Scie à métaux
Ciseaux
Silicone ou sika
Accessoires de jardinage
Étape 1 - Fonctionnement
Sans collecte, les eaux s'écoulent directement sur le bord des routes. Le système de collecte permet lui d'éviter la pollution des rues et de l'environnement voisin.
Le système est constitué de deux éléments principaux :
Un bac de collecte et de première filtration et décantation;
Un bac de culture des plantes, lieu de la phytoépuration.
Le bac de collecte est l'endroit où les eaux grises sont versées. Trois filtres y sont présents :
Une grille fine pour les grosses particules et restes alimentaires
Un tissu grossier pour les particules plus fines
Une mousse synthétique pour les graisses et matières organiques fines en suspension
Il permet une première épuration de l'eau, qui arrivera dans le bac de culture des plantes débarrassée de certains éléments.
Le bac de culture est le lieux de la phytoépuration. Les racines des plantes vont filtrer les matières organiques par plusieurs biais :
Les matières organiques en suspension vont être dégradées par des bactéries aérobies, nourries en partie grâce à la production d'oxygène par les racines des plantes (photosynthèse);
Les matières inorganiques (phosphate et nitrate principalement) vont être absorbées par les plantes;
Les germes pathogènes et micropolluants (pesticipes, métaux lourds...) vont être traités par des bactéries.
L'eau est donc versée dans le bac de collecte, filtrée, décantée, et s'écoule par le tube PVC dans le bac de culture où elle est traitée par les racines des plantes. En sortie du bac de culture, on peut récupérer l'eau et la rejeter dans le système d'égout classique.
Étape 2 - Filtre à grosses particules
Percer le couvercle du fût d'un trou de diamètre égal à celui du tube PVC gros diamètre (minimum 125 mm) à la scie sauteuse;
Découper un cercle de grillage à petite maille de la dimension de trou précédent, et l'y coller avec du silicone ou du sika.
Étape 3 - Filtre à petites particules
Couper le tube PVC gros diamètre d'une longueur équivalente à l'espace entre le fond du fût et le couvercle moins l'épaisseur de la mousse synthétique (cette dimension dépend de vos matériaux);
Percer trois gros trous à la scie cloche de chaque côté du tuyau;
Avec les ciseaux, découper un morceau de tissu de façon à pouvoir faire une "chaussette" couvrant toute la surface intérieur du tube;
Retrousser la chaussette sur le bord supérieur du tube et la fixer avec des serre-câbles.
Étape 4 - Filtre à graisses et particules fines
Découper un rectangle de mousse aux dimensions suivantes :
Sa largeur doit être égale à la hauteur du fût moins l'épaisseur de la mousse;
Sa longueur doit être égale au périmètre intérieur du fût.
Découper un cercle de mousse au diamètre intérieur du fût (on peut laisser quelques centimètres de marge pour faciliter le montage).
Avec le grillage, fabriquer un réceptacle pouvant se loger à l'intérieur du fût et accueillir la mousse.
Glisser le cercle de mousse au fond du réceptacle en grillage, et rouler le rectangle de mousse de façon à faire un tube se logeant dans le réceptacle en grillage. De cette façon, on obtient un "fût" de mousse pouvant se loger à l'intérieur du fût plastique.
Étape 5 - Sortie de l'eau grise
A environ 15 cm du bas du fût plastique, percer un trou de 100 mm. Y loger le tube PVC et le coller avec du silicone ou du sika. Faire une liaison bien solide et bien étanche, de façon à éviter toute fuite d'eau non traitée dans le sol.
Étape 6 - Montage du bac de collecte
Glisser le filtre en mousse à l'intérieur du fût;
Glisser le filtre tube PVC/chaussette à l'intérieur du filtre en mousse;
Refermer le couvercle du bac.
Si vos éléments sont découpés aux bonnes dimensions, le montage devrait être comme ceci :
Le trou dans le couvercle est au diamètre du filtre PVC/chaussette;
Le filtre PVC/chaussette vient en butée contre le couvercle et est posé sur le fond du filtre en mousse;
Une petite épaisseur d'eau (environ 10 cm) reste stagnante au fond du fût en plastique (lieu de la décantation).
Étape 7 - Bac de culture et phytoépuration
Cette étape est délicate à détailler, puisqu'elle dépend de l'espace, des plantes et des matériaux disponibles pour sa mise en œuvre.
Le principe est relativement simple :
Les plantes sont cultivées en terre dans un bac étanche. L'intérêt d'avoir un bac étanche est qu'il est possible de récupérer l'eau ensuite et de l'envoyer dans un réseau d'égout classique;
Le tuyau de sortie du bac de collecte doit arriver à hauteur des racines, afin que l'eau soit bien en contact avec celles-ci.
Sa mise en œuvre peut être adaptée aux ressources sur site.
Étape 8 - Remarques
Pour plus de facilité d'utilisation, il est possible d'installer un rebord autour du couvercle du bac de collecte. Cela évite de renverser de l'eau autour du bac.
Notes et références
Ce tutoriel est le fruit des travaux de l'équipe en charge du programme Genius of Space, et fait partie du Western Cape 110% Green Initiative. Un grand merci à Claire Mollatt, Solomon Sonxi et à tous nos contacts sur place pour le temps et l'attention qu'ils nous ont accordé, et pour toutes les informations qu'ils nous ont fait parvenir.
Pour le projet Genius of Space, une étude des coûts d'implantation du système sur le site de Langrug est disponible ici.