Four à Biochar

Tutorial de avatarYann Gressier | Catégories : Alimentation, Eau, Matériaux

Fabriquer son four à biochar pour pouvoir faire soi-même son biochar ou son charbon actif, dans le but de fertiliser son jardin, améliorer son sol ou potabiliser son eau (voir sources).

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Introduction

Fabriquer, expérimenter et utiliser un système low-tech de potabilisation de l’eau low-tech est un réel défi pour nous autres à la recherche d’autonomie, puis pour des centaines de millions de personnes sans accès à la high-tech et à l'électricité.

De plus, l’intérêt pour l’autonomie alimentaire de pouvoir fabriquer son biochar est réel. On fertilise le sol en apportant du carbone végétal local, on apporte de la surface d’échange sur laquelle les micro-organismes du sol peuvent proliférer, de la matière carbonée essentielle à la vie du sol et à la nutrition des plantes. Et en plus de ça on filtre certains métaux et autres produits chimiques pouvant se trouver dans le champ car amendés par l’ancien propriétaire.

Le biochar a également des qualités de séquestration de carbone atmosphérique. Contrairement au charbon qui lui est brûlé et rejette du CO2 dans l’atmosphère, une fois dans le sol il va améliorer l’adsorption par le sol du CO2 de l’air. Et donc participer à petite échelle à la diminution des gaz à effet de serre.

C’est donc un double enjeu alimentaire qui dépend de cette low-tech relativement simple à réaliser avec quelques outils de travail du fer.


Les modèles sur lesquels nous avons puisé notre inspiration sont issus du site aqsolutions.org, des références sur la potabilisation de l’eau low-tech.


Quelques chiffres de l’OMS sur l’eau potable dans le monde :

  • En 2020, 74 % de la population mondiale (soit 5,8 milliards de personnes) utilisaient un service d’alimentation en eau potable géré en toute sécurité – c’est-à-dire, situé sur le lieu d’usage, disponible à tout moment et exempt de toute contamination.
  • Au moins 2 milliards de personnes dans le monde utilisent une source d’eau potable contaminée par des matières fécales. La présence de microbes dans l’eau potable contaminée par des matières fécales représente le plus grand risque en termes de sécurité et de transmission de maladies telles que la diarrhée, le choléra, la dysenterie, la fièvre typhoïde et la poliomyélite.
  • La contamination microbiologique de l’eau potable peut être à l’origine de la transmission de maladies telles que la diarrhée, le choléra, la dysenterie, la fièvre typhoïde et la poliomyélite, et on estime qu’elle entraîne chaque année 485 000 décès consécutifs à des maladies diarrhéiques. La présence d’arsenic, de fluorure ou de nitrate dans l’eau potable est le risque chimique le plus important.
  • La disponibilité d’eau salubre en quantité suffisante facilite l’hygiène, essentielle pour prévenir non seulement les maladies diarrhéiques mais aussi les infections respiratoires aiguës et de nombreuses maladies tropicales négligées.
  • Plus de 2 milliards de personnes vivent dans des pays en situation de stress hydrique, phénomène que les changements climatiques et la croissance démographique devraient exacerber dans certaines régions.
  • En 2019, dans les pays les moins avancés, 50 % seulement des établissements de santé disposaient de services d’alimentation en eau de base, 37 % de services d’assainissement de base et 30 % d’un service de gestion des déchets de base.

Anciennement, la fabrication de charbon se faisait à l’ancienne en posant les troncs directement sur la terre et enrobés d’argile et de conduits permettant l’avancée progressive de la pyrolyse sur plusieurs jours (voire plusieurs semaines pour des gros troncs).

Les Egyptiens utilisaient déjà du biochar pour filtrer leur eau (1550 av. J.C.). Hippocrate l’utilisait en médecine en 400 av. J.C.

On a retrouvé du charbon de bois aussi dans la Terra Preta de l’Amazonie, dans des sols tropicaux fortement érodés ou érodables, mettre du biochar améliore significativement leurs propriétés physiques, chimiques et biologiques, notamment ces sols acides.

Les systèmes de filtration de l’eau existants sont nombreux et pas forcément low-tech :

  • UV, nécessite des lampes fragiles sous vide et de l’électricité
  • Céramique, de manufacture difficile et nécessitant des additifs et températures de cuisson de +1200°C difficiles à atteindre de façon artisanale
  • Membrane, qui nécessite une pompe pour fonctionner
  • Par filaments et gravité, qui reste peut-être le système le plus low-tech bien que la fabrication soit industrielle (filtres Sawyers par exemple)
  • Charbon actif, de production industrielle également, je pense notamment aux systèmes Berkley…

Les études ont montré que la carbonisation de bois denses (tropicaux, chêne…) produisent des charbons microporeux, tandis que des bois tendres (pins, bouleau…) des charbons meso ou macro poreux.


Enjeux pour le sol :

  • Restructuration du sol
  • Régénération par apport de fertilité
  • Désacidification : Indirectement, le biochar favorise également la fixation de l'ion carbonate qui tamponne le pH du sol, facilitant ainsi le développement bactérien et limitant la biodisponibilité des toxiques naturels du sol
  • Augmentation de la fixation du carbone atmosphérique
  • Diminution du lessivage & lixivage des nutriments (notamment l’azote soluble dans l’eau
  • Fixation des métaux lourd dans le sol et les plantes
  • Apport de biomasse carbonée indispensable à la croissance des plantes
  • Stabilisation du carbone dans le sol lors d’une production agricole
  • Terra Preta
  • Augmente la rétention d’eau du sol
  • Permet une surface d’échange aux micro-organismes du sol
  • Diminution de l’érosion
  • Augmentation d’humus
Attention, il est évident que le bois utilisé pour la fabrication du biochar doit être un bois local et amené à être jeté, ici des chutes de chantier issues de planches de châtaignier venu de la scierie locale. Cela n’aurait aucun sens de couper des vieux arbres centenaires déjà des merveilles pour l’écosystème, juste pour créer du biochar.

Matériaux

  • 2 bidons de 200 L (ici anciens bidons d’huile récupérés)
  • Plaque de tôle ou tube métal (cheminée)
  • Vis auto foreuses ou boulons
  • Poignées en métal ou barres métalliques cintrées
  • Baguettes de soudure
  • Bois pour faire du biochar, dense et de récupération, en morceaux de 10cm de long par 3cm de large/épaisseur environ

Outils

  • perceuse/visseuse, ou pioche, ou marteau burin, ou marteau de couvreur
  • Meuleuse, scie sauteuse métal, ou vieux ciseaux à bois
  • Marteau
  • Poste à souder (ici à l’arc)
  • Pour préparer le bois en petits morceaux : scies à bois et hache à fendre

Étape 1 - Percer le bas du four (bidon 1)

Percer le bas du bidon 1 qui servira comme chambre de combustion (partie basse du four) pour réaliser l’entrée d’air basse, faire des trous à la perceuse Ø5 puis Ø10, il y en a environ 400, plus il y a de trous plus la température pourra monter, mais aussi plus le bidon sera fragile au poids du bois qu’on y mettra, dans notre cas on a environ 1-2cm entre chaque trou.




Étape 2 - Découper le haut du bidon 1

Sur ce même bidon découper le disque du haut en laissant environ 3-5 cm du bord, ici réalisé à la meuleuse.




Étape 3 - Soudure des poignées

Souder les poignées sur le côté, environ aux ⅔ de la hauteur du bidon pour plus de stabilité, elles serviront à y glisser des barres de métal pour déplacer le bidon ardant une fois la combustion terminée.


Merci de ne pas juger mes soudures n'étant pas encore expert ;)!! Elles sont moches mais tiennent bon jusque là.



Étape 4 - Découper le bas du bidon 2

Couper le bas du bidon 2 à environ 1 cm du bord, utiliser le disque obtenu pour faire un couvercle pour le bidon 1, il devra recouvrir le bidon 1 sans qu’il n’y a de trous pour que l’air passe.

Sur la photo on voit le bidon 1 avec le disque découpé du bidon 2.




Étape 5 - Découper la cheminée

Sur le haut du bidon 2, couper un disque du diamètre de votre cheminée, si vous n’avez pas de cheminée, couper simplement un disque de Ø20 cm et laisser le trou tel quel, il est pratique d’y souder aussi des poignées sur le côté du bidon même si ce n’est pas obligatoire (pour le retirer en fin de combustion il suffira de le pousser au sol avec un bâton.


Si besoin, boucher les goulot du bidon 2 avec des plaques de métal et un peu de soudure. la seule sortie possible doit être la cheminée.




Étape 6 - Fixer la cheminée

Ici j'ai récupéré une cheminée toute faite, que j'ai découpé à la meuleuse en faisant des encoches de 2cm de profondeur tous les 4cm, pour après les plier au marteau et les fixer à la sortie du bidon 2.


Les deux bidons sont prêts, à gauche celui du bas, chambre de combustion avec son chapeau, à droite, le bidon de la cheminée.




Étape 7 - Préparer la combustion du biochar

Lors de la combustion, avoir un endroit bien dégagé, par d'arbres autour, pas d’herbes sèches, rien d'inflammable, préparer de l’eau au cas où un des bidons tomberait et commencerait un incendie. Préparer aussi au préalable un bassin de boue argileuse pour l’extinction de la combustion. On peut voir qu’il n’y a pas de fumée sortant de la cheminée, preuve que la combustion est complète, seule la peinture des bidons émettant de la fumée en fondant, ce qui est pratique pour suivre la progression de la combustion :


Étape 8 - Eteindre le four

Repères pour savoir si la combustion est terminée et qu’il faut éteindre : une fois la flamme ayant changée sa couleur rouge pour une belle couleur bleue type brûleur à gaz, puis toute la peinture brûlée (uniquement la première utilisation des bidons). Un autre indicateur est de voir flamboyer le dessous du four, et voir quelques petites braises passer à travers les trous, cela indique que la combustion est au niveau du bas du four et qu’il est tant d’éteindre avant de sur-oxygéner le feu et transformer le charbon en cendres. Photos de l’extinction dans une flaque de boue argileuse. Les trous par lesquels s’échappent la fumée sont tous bouchés à la boue argileuse, notamment au niveau des soudures, du couvercle et du bas du bidons quand des bulles apparaissent :




Étape 9 - Produit fini

Processus :

Jusqu'à 160°C le bois ne perd pratiquement que de l'eau, on parle de combustion primaire : le bois brûle en produisant des fumées, faible rendement thermique (<50%), c’est un feu de camp.

Jusqu'à 200 °C, le bois brunit, perd encore son humidité et son hygroscopicité, de l'acide acétique et quelques composés volatils entraînés par la vapeur d'eau.

200 °C à 270-280 °C, se dégagent des gaz oxygénés : CO, CO2, vapeur d'eau, acide acétique, méthanol. Le résidu n'est pas encore du charbon, mais du bois roux (appelé aussi bois torréfié).

A partir de 270-280 °C, le bois commence à se décomposer spontanément en une réaction exothermique incontrôlable qui élève la température, sans apport extérieur de calories, jusque vers 350°-380°C pour donner du charbon de bois (carbonisation), plus encore des gaz oxygénés, mais en plus faibles quantités, et des hydrocarbures de poids moléculaire peu élevé (méthane, éthane, éthylène).

Entre 270 et 380 °C, la formation de méthanol, d'acide acétique etc. est accompagnée d'autres composés chimiques plus complexes, principalement sous forme de goudrons légers.

Le processus se poursuit jusqu'à ce que tout le bois soit transformé en charbon de bois et le processus s'arrête. Le charbon de bois ainsi produit a une teneur de 65-70(-80)% de carbone pur 3 à 5% de cendres. Les résidus goudronneux peuvent atteindre 30%.

Si l’on chauffe pour que la température dépasse 400°C, la teneur en carbone pur augmente avec la décomposition d'une plus grande proportion des goudrons. Les gaz formés sont principalement constitués par des hydrocarbures et parallèlement le pyroligneux s'enrichit en goudrons lourds.

Une température de 500°C donne une teneur en carbone pur d'environ 85%, et

une teneur en éléments volatils de 10%. Le rendement en charbon de bois à cette température est d'environ 33% du poids du bois anhydre compte non tenu du bois brûlé pour lancer la carbonisation et augmenter la température au-delà de 400°C.

Si l'on continue à chauffer au-dessus de 500 °C jusqu'à 700 °C, il se produit une phase de dissociation : les gaz produits sont moins importants, mais contiennent de plus en plus d'hydrogène si l'on élève encore la température de 700°C à 900°C. Ce départ d'hydrogène entraîne un enrichissement relatif en carbone (jusqu'à 90-95 %).




Étape 10 - Recommandations & améliorations

  • Souder des poignées aussi sur le bidon supérieur pour éviter de l'abîmer en le faisant tomber à la fin de la pyrolyse.
  • Placer une tôle ondulée entre le bidon du bas et le bois pour isoler des déperditions de chaleur et augmenter la température de combustion en créant un appel d’air supplémentaire extérieur à la combustion (autour). Nous ne l’avons pas fait faute de matériel
  • Poser une sonde de température résistante jusqu'à +1000°C pour suivre l’état de la pyrolyse et le type de charbon transformé que l’on a, pouvoir mesurer l’efficacité des améliorations apportées.
  • Se débarrasser après du biochar ayant adsorbé les produits chimiques : désorption après saturation du biochar en produit (très peu). Composer ce biochar, si possible loin de sources d’eau.  

Notes et références

Charbon actif :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Charbon_actif

https://www.lenntech.fr/francais/charbonactif-regeneration.htm

https://www.lecharbonactif.com/post/tout-savoir-sur-le-charbon-actif-sa-fabrication-et-ses-utilisations

Chiffres OMS :

https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/drinking-water#:~:text=En%202020%2C%2074%20%25%20de%20la,et%20exempt%20de%20toute%20contamination

Biochar :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Biochar

Tutos :

aqsolutions.org

Louppe Dominique

•CIRAD UPR BSEF http://ur-bsef.cirad.fr/ Campus international de Baillarguet 34398 Montpellier Cedex 5 (France) (dominique.louppe@cirad.fr)


Lien vers l'article original en espagnol :

https://elmandala.es/fabricar-su-horno-a-biochar/

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